A l’origine des ADB

A l’origine des ADB

A l’origine d’une Association

A l’occasion du 150 anniversaire de la fondation de l’Association des Anciens de Don Bosco, la Confédération mondiale des ADB a demandé à Sergio Rodriguez Lopez-Ros d’écrire la biographie de Carlo Gastini, fondateur du mouvement des Anciens Élèves de Don Bosco. Michal Hort (ex-Président des ADB) écrit : « Nous espérons que cette biographie aidera les jeunes, les ADB, les amis de Don Bosco et les membres de la Famille Salésienne à s’inspirer du charisme et de l’histoire de Carlo Gastini. Ses fortes convictions chrétiennes et son amour pour Don Bosco sont un exemple pour nous tous. »

Un apprenti barbier

La famille Gastini avait quitté Casale Monferrato pour s’installer à Turin vers 1828. Cinq ans plus tard naissait Carlo qui fut baptisé à l’église San Dalmazzo. En 1847, le papa mourut, laissant son épouse avec ses trois enfants. Carlo, en âge de travailler, fut embauché comme apprenti barbier. Avec un travail, une famille et une maison, il se trouvait dans une situation enviable, comparée à celle de tant d’autres jeunes apprentis : maçons, peintres, charpentiers ou manœuvres en tous genres.

Une rencontre décisive

Cette année-là, un événement particulier allait changer sa vie. Un jour de juin, Jean Bosco, jeune prêtre, qui venait de s’établir au Valdocco avec sa mère, Marguerite, entra chez le barbier pour se faire raser. Il y trouva le jeune apprenti et, selon son habitude, il lui posa quelques questions :
– Comment t’appelles-tu ?
– Je m’appelle Carlo Gastini.
– As-tu encore tes parents ?
– J’ai seulement ma mère.
– Quel âge as-tu ?
– Quatorze ans.
– As-tu fait ta première communion ?
– Pas encore.
– Vas-tu au catéchisme ?
– Quand je peux, j’y vais toujours.
– Bien ! Tu es un brave garçon ! Je veux que tu me fasses la barbe. – Par pitié, dit alors le patron, ne prenez pas ce risque, monsieur l’abbé. Ce garçon commence juste son apprentissage. À peine serait-il capable de raser la barbe aux chiens.
– Peu importe, cher monsieur, répondit Don Bosco, si ce jeune garçon n’essaie pas, jamais il n’apprendra !
– Je m’excuse, mon révérend, si vous voulez, je lui ferai faire la barbe sur quelqu’un d’autre, mais pas sur un prêtre.
– Oh ! Elle est bien bonne, celle-là. Ma barbe serait-elle plus précieuse que celle d’un autre ?

Et là, faisant allusion à son nom (Bosco = Bois), il ajouta : « Ma barbe, c’est de la barbe de bois. Pourvu qu’il ne me coupe pas le nez, le reste, je m’en moque ».
Et c’est ainsi que le petit barbier se mit au travail. Il va sans dire que, sous les mains peu expertes et tremblantes, le pauvre Don Bosco eut de quoi rire et pleurer à la fois ; mais il se laissa faire courageusement. À la fin de l’exercice : « C’est pas trop mal, dit le prêtre. Petit à petit, tu deviendras un fameux barbier ».
Il s’entretint encore avec le jeune Carlo et l’invita à venir à l’Oratoire (sorte de « patronage » créé par Don Bosco pour accueillir les jeunes, les distraire et les instruire de la religion) le dimanche suivant, ce qu’il lui promit de tout cœur. Après avoir payé, Don Bosco partit, en se tâtant, de temps en temps le visage qui avait été quelque peu meurtri, mais content d’avoir gagné l’affection d’un nouveau garçon.

Les débuts à l’Oratoire

Le dimanche suivant, fidèle à son engagement, Carlo était au Valdocco (quartier de Turin, en limite de la ville). Par la suite, dès qu’il était libre, il s’empressait d’y revenir bien vite. Le « mot à l’oreille » de Don Bosco l’amena au sacrement de réconciliation (appelé sacrement de pénitence à l’époque). Don Lemoine, qui rédigea les « Mémoires biographiques », raconte que le jeune garçon avait si bien profité des enseignements de Don Bosco que, lorsqu’à la boutique un client disait des choses inconvenantes, Carlo le reprenait fermement : « Vous n’avez pas honte de dire de telles choses devant un enfant » ? Et il le faisait taire. Quelques mois plus tard, fin 1847, la maman mourut à son tour. Le frère aîné de Carlo était militaire ; restait la petite sœur. Un soir, passant dans le quartier, Don Bosco croisa le garçon et la petite fille, tout en pleurs sur le trottoir. Il apprit alors la détresse des enfants qui se trouvaient à la rue, car le propriétaire de la maison les en avait chassés pour cause de loyer impayé. Don Bosco, touché par la misère de ces pauvres petits, prit Carlo à l’Oratoire et plaça sa sœur chez une dame, veuve avec peu de ressources, mais avec un cœur rempli de charité chrétienne.

Interne

À l’externat de l’Oratoire festif du dimanche, Don Bosco ajoutait donc un petit internat. Carlo fut ainsi le deuxième à être accueilli. Devaient venir après lui : Reviglio, Buzzetti et ses frères. Reviglio, Buzetti, Bellia, Francesia, ainsi que Tomatis, resteront ses grands amis toute la vie. Ces garçons pouvaient ainsi grandir comme les enfants de familles normales : ils avaient de quoi manger, se divertir et étudier. Le premier dortoir comprenait huit lits, un crucifix, une image de la Vierge et une feuille de papier collée au mur où l’on pouvait lire : « Dieu te voit ». Après les prières du matin, tous partaient travailler en ville et revenaient pour le déjeuner et le souper. Le menu était frugal : une soupe et des légumes du jardin de « maman Marguerite » ; et pourtant, c’était infiniment mieux que ce qu’ils avaient auparavant.
Les jeunes passaient tout leur temps avec Don Bosco qui pourvoyait à leurs besoins ; ils partageaient tout : prières, repas et activités. Un jour, Carlo avait une forte rage de dents qui le retint au lit, le privant d’assister à la messe. Après avoir célébré, Don Bosco alla le voir : « Qu’as-tu, mon cher Gastini ? » Le garçon explique sa douleur. Don Bosco prend alors sa tête entre ses deux mains et la presse contre sa poitrine. Aussitôt le mal disparaît. (Ce ne fut pas, dit-on, la seule fois où il y eut des guérisons semblables à l’Oratoire).

Des jeunes au grand cœur…

Gastini et Reviglio s’étaient mis d’accord pour économiser sur la nourriture, pendant des mois. Gardant précieusement leur petit pécule, ils réussirent à acheter un double cœur en argent qu’ils voulaient offrir à leur protecteur pour la Saint Jean Baptiste, le 24 juin. La veille, de nuit, ils allèrent frapper à la porte de Don Bosco qui, malgré l’heure tardive, était encore debout. Il les fit entrer. Imaginez l’émerveillement et l’émotion du Père, en voyant le cadeau de ces deux braves garçons. Le lendemain, toute la maison était au courant et on proposa que, l’année suivante, il y ait une belle grande fête pour tout l’Oratoire.

… près pour la relève

Quelque temps plus tard, Don Bosco, se sentant bien seul, retint, après une retraite, un groupe de quatre garçons : Buzzetti, Bellia, Gastini et Reviglio chez lesquels il sentait une possible vocation. Il leur demanda s’ils voulaient l’aider.
– Que pouvons-nous faire ? demandèrent-ils.
– Je commencerai par vous faire un peu d’école élémentaire, je vous enseignerai les premiers rudiments de la langue latine et, si telle est la volonté de Dieu, qui sait si, dans quelque temps, vous ne pourriez pas devenir prêtres ?
– Oui, oui, répondirent-ils d’une même voix.
Et Don Bosco, prenant son mouchoir, leur demanda d’être aussi dociles avec lui que le mouchoir qu’il pétrissait dans sa main. Les jeunes gens acceptèrent d’emblée. Et c’est ainsi qu’ils commencèrent les études qui devaient les mener jusqu’à l’enseignement supérieur et les préparer à recevoir la soutane.
Pour Carlo, cela arriva le 2 février 1851, il avait 18 ans.
(Entreprendre des études de philo et de théologie coûtait cher à Don Bosco, aussi invita-t-il ses 4 jeunes à écrire au roi Victor Emmanuel II, pour solliciter une aide. C’est ainsi que l’abbé Carlo Gastini obtint, en réponse, une aide de 90 lires).

Chanteur et acteur…

En cette même année 1851, Monsieur Pinardi vendit à Don Bosco sa maison et les terrains autour ; le théâtre fut lancé à l’Oratoire et ce furent les deux Carlo (Gastini et Tomatis) qui en reçurent la charge : premiers pas de Gastini sur scène. La première représentation eut lieu en juin, lors de la fête de saint Jean Baptiste : déclamation de poèmes et morceaux de musique. (Au fil des années, cela deviendra un des éléments centraux de la « maison salésienne », véritable creuset d’innombrables vocations d’acteurs).
Lors d’une visite de l’évêque de Fossano qui venait apporter une offrande, Don Bosco lui fit un accueil chaleureux et festif en faisant chanter par Gastini, qui avait une très belle voix, quelques couplets de sa composition en l’honneur de son hôte. Ce fut la première de centaines de soirées que Carlo devait animer au cours de sa vie.

… et « poète du Valdocco »

Plus tard, ses talents de comédien et de poète devaient lui valoir le surnom de « Poète de l’oratoire » et de « ménestrel de Don Bosco ». On a répertorié pas moins de trente-neuf pièces de théâtre composées par Gastini, ainsi qu’une quinzaine d’œuvres musicales (opéras) et un nombre considérable de petits poèmes écrits en diverses occasions. En 1901, se présentant, lors d’une fête de mariage, à des gens qui ne le connaissaient pas, il dit en poème : « À l’Oratoire salésien, on m’appelle le « Ménestrel ». Je ne m’en vante pas, ni ne m’en glorifie. Mais ce nom, il me va encore très bien. Je sais que je vivrai jusqu’à soixante-dix ans, c’est « papa Jean » qui me l’a dit ». On a écrit beaucoup de belles choses sur lui, parfois sous forme de poème, comme lui-même aimait souvent s’exprimer.

Les départs

Buzzetti dut quitter le noviciat à la suite d’un accident. À son tour Carlo arrêta sa route vers le sacerdoce, en raison, dit-on, d’un léger bégaiement non admis par le Droit Canonique de l’époque. Des quatre jeunes choisis par Don Bosco, seul Buzzetti deviendra, très tard (1877), salésien coadjuteur (non prêtre). Quant à Bellia et Reviglio, ils seront ordonnés prêtres diocésains. Ces défections furent un coup dur pour Don Bosco. Quelque temps plus tard, il s’y prendra autrement avec les jeunes qu’il réunira en leur proposant d’emblée un engagement religieux et auxquels il donnera le nom de « Salésiens ». Pour ce qui est de Gastini, il resta pendant quatre ans à l’Oratoire, continuant à aider son père spirituel dans la gestion de la maison.

Un apprentissage nouveau

Le premier mars 1853, Don Bosco commença à publier les « Lectures Catholiques », une initiative semblable à celle que, quatre cents ans plus tôt, François de Sales avait réalisée. Dans ces petits livres, le langage était clair et simple : on dit que Don Bosco en faisait la lecture à maman Marguerite et au portier, Barolo, pour voir s’ils comprenaient. L’éducateur du Valdocco avait dans l’idée de créer sa propre imprimerie, mais cela aurait coûté très cher et il aurait été difficile d’obtenir du gouvernement les autorisations nécessaires. Aussi fut-il décidé de créer un atelier de reliure auquel on adjoignit une librairie. Le premier relieur se nommait Bedino et on lui donna comme second Carlo Gastini, lequel apprit près de lui le métier qui serait le sien jusqu’à la fin.

Un nouveau projet de vie

Le jeune homme, n’étant plus séminariste, changea donc son orientation de vie et envisagea de fonder une famille. Il épousa, en 1858, Giuseppina (Joséphine). C’est Don Bosco qui bénit leur union, probablement à l’Oratoire, mais on n’a aucune trace de ce mariage, même dans les paroisses environnantes. Carlo, avec sa femme s’établit en ville où il avait un travail, tout en continuant de s’impliquer au
Valdocco, auprès de Don Bosco, notamment en apportant son concours à chaque fête ou en accompagnant les jeunes aux Becchi, à l’automne, un certain nombre de fois. A la mort de Don Pestarino, le prêtre de Mornèse (où Marie Dominique Mazzarello avait fondé, avec lui et Don Bosco, les « Filles de Marie Auxiliatrice »), c’est Carlo qui accompagna les chants durant la cérémonie…

Un attachement indéfectible

L’année suivante, Don Bosco fut l’objet de dures persécutions. Un journal écrivit même qu’il avait été jeté en prison. En lisant cela, Carlo quitta immédiatement son travail pour se précipiter à l’Oratoire où il trouva Don Bosco qui sortait de la sacristie. C’était une « fake news » ! Mais cela le décida à démissionner de son travail, pourtant fort bien payé, pour retourner au Valdocco comme chef de l’atelier de reliure, afin d’être près de son second père. La famille quitta alors le centre-ville pour venir habiter Corso Regina Margherita, à côté de l’Oratoire. Don Bosco ayant enfin obtenu du gouverneur de Turin la permission d’ouvrir une imprimerie (le premier ouvrage édité fut « La jeunesse instruite », écrit par Jean Bosco lui-même), Gastini devint le chef de la « Typographie des éditions salésiennes ». Il le sera jusqu’à la fin de sa vie. C’est lui qui publia le « Bulletin salésien » créé par Don Bosco. Entre ces deux hommes, la familiarité était évidente. Vingt ans après son premier passage au Valdocco, Carlo continuait à vivre le quotidien de celui qu’il appelait, avec affection, « papa Don Bosco ».

L’histoire se répète

Giuseppina mourut en 1876 à trente-six ans. Leur fille Felicina avait treize ans. Formée d’abord à l’Oratoire des Filles de Marie Auxiliatrice, rue Cottolengo à Turin, elle fut ensuite envoyée à l’école de Nizza Monferrato où elle vécut, avec Marie Dominique Mazzarello, la même amitié que son père avec don Bosco. Lors de son mariage, on sait qu’elle était couturière et que son mari, son propre cousin germain, était marbrier, comme d’ailleurs toute la famille de Marco, le frère de Carlo. À noter que c’est Vincenzo Gastini (neveu de Carlo) qui réalisera la première tombe de Don Bosco, à Valsalice, payée par les « Anciens Elèves ».

Une mort annoncée

En 1860, ce brave Gastini avait demandé à Don Bosco combien de temps il vivrait. « Jusqu’à soixante-dix ans »! lui avait-il répondu. Cette parole, il l’avait gardée toute sa vie.
À la mi-janvier 1902, il tomba malade et, se rappelant la prophétie de Don Bosco, il se prépara à mourir. À Don Rua (premier successeur de Don Bosco) qui était venu lui apporter ses douze lires de pension hebdomadaire, il dit : « Non non ! je ne me lèverai plus. Je suis entré dans ma soixante dixième année, l’année de ma mort. Je n’ai plus rien à faire ici-bas. J’espère que Don Bosco m’aidera à le retrouver au Paradis ». En effet, il décédait quelques jours plus tard, le 28 janvier (trois jours avant la date anniversaire du décès de Don Bosco).

Les Anciens se retrouvent

La grande réussite de Carlo Gastini et de toute sa famille fut sans conteste la fondation des « Anciens élèves de Don Bosco ». On se souvient qu’en 1854 Gastini et Reviglio avaient offert à Jean Bosco, à l’occasion de sa fête, un double cœur en argent. Par la suite, un petit groupe recueillait régulièrement des fonds, parmi les internes et les externes, pour faire un cadeau à Don Bosco, le 24 juin. Ce jour-là, on faisait de la musique, on chantait, Carlo récitait des poèmes, toujours pour exprimer la gratitude envers le « Padre ». Ces célébrations spontanées et simples, dans l’esprit de famille, auxquelles participaient les internes cessèrent en 1869, quand germa, dans la tête de Carlo, l’idée de réunir en Association les jeunes (internes et externes) qui avaient quitté l’Oratoire. Durant les premiers mois de 1872, déjà, un petit groupe se retrouvait, sur invitation, autour de Gastini et avec Don Bosco ; c’étaient des ouvriers ou des artisans qui, comme lui, avaient été formés dans les ateliers du Valdocco. « Tu as bien de la chance de travailler à l’Oratoire, disaient-ils, un peu envieux, car tu continues à être toujours avec Don Bosco ».

Les « Exallievi » (ADB)

Cette rencontre entre le vieux père et les « ex-élèves » de la maison donna l’idée à Carlo de les convoquer pour la fête de Don Bosco, le 24 juin suivant. Ce jour-là, après la messe en la basilique Marie Auxiliatrice, ils purent saluer le « père » et lui exprimer leur reconnaissance pour « l’éducation reçue ». Ils lui offrirent en cadeau un service à café. Don Bosco leur offrit un verre de vin blanc et leur dit : « Aujourd’hui, je ne peux pas vous inviter à manger avec moi, comme je le voudrais, mais nous combinerons cela pour une autre fois ».
À partir de 1871, les anciens élèves participaient, chaque année, à la fête de Don Bosco et lui offraient un album, magnifiquement relié, où étaient notés tous les noms des participants. C’est ainsi qu’on peut savoir leur nombre : 45 en 1871 ; 175 en 1877 ; 194 en 1878… Leur nombre allait sans cesse croissant. Le premier album était accompagné de cette dédicace, probablement écrite par Gastini : « A Jean Bosco, au jour de sa fête, en signe de reconnaissance et d’estime, les « Anciens Jeunes » éduqués dans cette maison. 1871 ». Telle fut l’origine des « Exallievi » (en France AdB).

D’une initiative privée à une existence juridique

C’est en 1876 seulement qu’on trouve une référence à Carlo Gastini comme « Président des Anciens Élèves ». Au mois d’avril, Don Bosco, dans une lettre à Don Rua et Don Lazzero, le cite comme « chef des anciens » et, quelques jours plus tard, il parle de « Gastini et ses amis ».
Deux ans plus tard, la réunion se déroula le 4 août en présence de 194 anciens. Don Bosco, dans une longue intervention, traça une piste, un chemin de vie pour ses anciens protégés. En voici quelques extraits : « Courage ! Courage ! Courage !… Qui veut être missionnaire n’a qu’à donner son nom et partir… Mais tous ne sont pas appelés à être membres de la « Société de Saint François de Sales » (Salésiens religieux)… Mais que chacun soit missionnaire au milieu de ses compagnons, dans sa propre maison, là où il habite, en donnant le bon exemple, de bons conseils et qu’il travaille au salut de son âme. Ainsi, vous serez tous d’autres missionnaires, vous serez de ceux à qui Jésus dit : « Vous êtes sel, vous êtes lumière ». Et vous verrez qu’il suffit de peu de chose pour sauver une âme et pour être missionnaire ».
Et Don Bosco de suggérer la création d’une société de secours mutuel pour les moments difficiles de maladie, de chômage ou de misère ; signe de charité solidaire envers les membres et tous ceux qui sont sortis de l’Oratoire. « Tous les ans, vous économisez pour m’offrir un cadeau, je l’offre de tout cœur pour les jeunes qui sont dans le besoin. Une telle société entre vous sera des plus précieuses ».
« Vous tous, sans exception, faites honneur au nom que vous portez et à la maison qui vous a éduqués, à la religion qui vous garde en son sein et à la Société des Coopérateurs dont vous faites partie ». (À l’époque, était appelé « coopérateur » celui qui, d’une manière ou une autre, aidait Don Bosco dans son engagement auprès des jeunes).
Comme on le voit, dans ce discours Don Bosco donnait à cette nouvelle branche de la Famille Salésienne qu’il avait initiée, les grands traits de ce qui devait devenir la charte du mouvement des Anciens : être de « bons chrétiens et d’honnêtes citoyens » (dimension spirituelle et dimension sociale). À la fois le souci du salut personnel, le témoignage de foi et la fidélité aux valeurs reçues, spécialement le sens de la solidarité envers les autres, en particulier les plus démunis.

« Papa Giovanni » rejoint le Père

31 janvier 1888, à 4h40 du matin, Don Bosco rend son âme à Dieu. Carlo Gastini prend la plume le jour même, et écrit à tous les Anciens Élèves une longue lettre où il les invite tous, surtout ceux qui sont proches de Turin, à participer aux funérailles qui se dérouleront le 2 février à 3 heures de l’après-midi et, qu’ils soient loin ou proches, à faire une petite offrande (pas moins d’une lire, cependant) pour couvrir les frais. Il précise aussi que ceux qui ont été honorés par l’État viennent avec leurs décorations… Enfin, tous sont invités à dire une prière pour l’âme de celui qui ne sera jamais assez regretté, Don Bosco.

L’aventure continue

En 1894, Don Rua (premier successeur de Don Bosco) insiste pour que les Anciens élèves externes (qui avaient fréquenté l’Oratoire festif) soient unis aux Anciens élèves internes du Valdocco. Fut donc créée, cette année-là, l’ « Union des Anciens Élèves ». Son statut précisait qu’elle avait « comme objectif la croissance spirituelle de ses membres, au moyen de réunions fréquentes, mais aussi leur bien-être matériel en leur fournissant des aides en cas de besoin et en renforçant les liens d’amitié ». Le « Bulletin Salésien » encourageait les Anciens de Don Bosco à s’inscrire dans cette association à la tête de laquelle se trouvait un Comité formé de Carlo Gastini, Luigi Fumero, Felice Reviglio, etc. L’association se développa très vite, si bien qu’en 1896, lors de la réunion annuelle, Don Rua pouvait dire : « Les Anciens Élèves de Don Bosco, qui pourrait les compter ? Ils sont éparpillés dans toutes les parties du monde ».

Gastini passe la main

C’est en 1900, le 23 juin, qu’eut lieu la dernière participation de Carlo Gastini au rassemblement. Au Valdocco se retrouvèrent des représentants d’au moins neuf œuvres salésiennes. C’est Francesco Prato qui prit la parole : « Nous prions pour qu’arrive au plus vite un décret de Rome annonçant, à nous et au monde entier, que l’humble prêtre du Valdocco est parmi les Bienheureux et alors, nous n’irons plus à Valsalice déposer une couronne sur sa tombe et réciter pour lui un « De profundis », mais… nous lui demanderons ces grâces que les saints obtiennent de Dieu au ciel ». Pour la dernière fois, « papa Gastini » chanta et déclama des poèmes, en l’honneur de Don Rua qui, quelques jours plus tard, lui écrivit un petit mot de remerciement : « Cher Gastini, tous ont applaudi à la poésie du « ménestrel » dite avec emphase. Ton toujours très affectionné Don Rua ». Carlo ne devait pas participer au repas des Anciens qui eut lieu le 15 juillet suivant.

Le grand Ménestrel des Salésiens

Carlo Gastini fut très apprécié durant sa vie. Ses grandes qualités ont été reconnues par tous. Sa fidélité à Don Bosco fut de tous les instants et, avec lui, il put fonder cette association des ADB qui fait la fierté du monde salésien. Il faisait l’admiration de tous. En 1894, Petroncini soulignait de lui : « sa noble présence », sa voix imposante, sa merveilleuse capacité à déclamer et son art de la scène. Il lui donnait le titre de « Salesianorum Menestrellus Magnus » (Grand Ménestrel des Salésiens) .
Bon sang ne saurait mentir
En 1908, quand le troisième successeur de Don Bosco, Philippe Rinaldi, incita sœur Caterina Arrighi à fonder l’association des Anciennes Élèves des Filles de Marie Auxiliatrice, Félicina Gastini (la fille de Carlo) en fut élue la première Présidente. Elle le sera jusqu’à sa mort le 12 mai 1951. Ses ambitions étaient quasi égales à celles de son père : « favoriser des relations de solidarité et s’engager à la promotion sociale de la femme ». Dans la même mouvance, elle donna à l’Association un élan de fraternité et de solidarité réciproque, en créant la « Cassa benefica » (caisse de bienfaisance) de l’Association de Turin où les associées s’engageaient à verser, toutes les semaines, une petite partie de leur salaire pour aider les compagnes en difficulté, sans distinction, qu’elles soient ou non inscrites.

Une question pour aujourd’hui

La vie, l’œuvre et le charisme de Carlo Gastini sont une invitation à vivre la salésianité dans le monde à travers l’engagement personnel. Aujourd’hui comme hier, nous est posée cette question : « Qu’es-tu disposé à faire pour ton prochain » ?

Résumé traduit de l’italien par Paul Ripaud – article paru dans « ADB-Infos » N° 100.