Les villages des vacances : l’AEC

Les villages des vacances : l’AEC

Jean-Paul BOURDIN vient d’être élu président de l’A.E.C. au cours de la réunion du Conseil d’Administration de l’Association, le samedi 16 mars 2024. Il succède donc à Dominique De Lat. 

L’AEC est une association de tourisme social, au coeur de la Famille Salésienne de France-Belgique.

A Dominique (qui devient Vice-Président), nous adressons nos mercis les plus sincères pour sa présence, sa conduite de l’Association dans un travail sans relache, surtout en ces périodes plus difficles après la COVID…

A Jean-Paul, nos meilleurs voeux pour la tâche qui l’attend. Le Conseil d’Administration, les Anciens élèves feront tout pour l’épauler. Il saura diriger dans la bonne tradition de la Famille Salésienne !

[découvrir quelque chose des Villages-Vacances de l’AEC…
une causerie de M. Maurice LAGER, coadjuteur salésien]

 

Ce qui frappe immédiatement le visiteur ou le vacancier arrivant à Forgeassoud, c’est une magnifique dalle d’ardoise noire placée à la gauche de l’entrée. Elle ne peut passer inaperçue…

Dalle mortuaire ? (étant donné sa couleur, on pourrait le croire !)… Non, point du tout, bien au contraire : c’est un monument commémorant une naissance et une naissance vraiment prodigieuse !

Distraitement d’abord on lit l’inscription qui s’y trouve gravée : « Forgeassoud, inauguré le 13 décembre 1969, a été construit pas les anciens de Don-Bosco de France ». Alors on est intrigué… On s’interroge : qui sont ces anciens ? Qui est donc ce Don-Bosco ?

Une célébrité de la région ? Un personnage du lieu ? On interroge autour de soi ; les esprits curieux se renseignent et questionnent… Que de fois ai-je dû moi-même répondre à la question « mais qui est donc Don-Bosco ? »…

C’est pourquoi, afin qu’à votre tour vous soyez au courant et que vous puissiez transmettre ces explications sur l’origine de ces réalisations, je vais, brièvement, vous parler de Don-Bosco.

Je ne vous en parlerais pas en savant ou en historien, avec un fourmillement de détails et en coupant les cheveux en quatre après avoir compulsé les poussiéreuses archives pour vous raconter par le menu la vie de ce personnage. Non, je vais laisser parler mon cœur car ce personnage m’a conquis aux alentours de mes vingt ans… Ce Don-Bosco m’a passionné à tel point que je me suis enrôlé dans ses troupes et c’est le tableau d’un Ami que je vais vous brosser sommairement.

Je devine votre objection : tout ce préambule est valable pour Forgeassoud mais nous sommes à Samoëns ; alors quel rapport ? On ne voit pas la relation ?

Et pourtant elle est très grande cette relation !

Vous savez tous que ce sont les mêmes pionniers, les mêmes infatigables bâtisseurs qui sont à l’origine de ces deux réalisations. Je veux parler de cette équipe invincible conduite par l’enthousiaste et infatigable M. André ROUSSEAU, toujours par monts et par vaux, franchissant tous les obstacles, même les montagnes de paperasserie ! Ils ont créé Forgeassoud et Samoëns. Donc voilà bien une paternité certaine pour ces deux splendides innovations… Pas de doute là-dessus !… N’est-ce-pas !

Je ne sais si Samoëns aura sa dalle d’ardoise noire pour rappeler le souvenir de Don-Bosco ; peu importe, il y a déjà ici mieux qu’une inscription pour évoquer ce grand personnage : il y a le nom du V.V.F. lui-même ! Oui, les « Becchi ». Savez-vous ce que sont ces Becchi ? Eh bien c’est le nom du hameau italien où naquit Don Bosco aux environs de Turin dans le Piémont : le 16 août 1815.

Magnifique idée des fondateurs : donner à ce village familial le nom même du lieu où le petit Jean Bosco vécut en famille… Pouvait-on trouver meilleure évocation ? …

Jean, fut son nom de baptême. Il vécut aux Becchi les premières années de sa vie, dans une pauvre ferme que l’on peut encore voir. La vie paysanne était dure alors… On n’était pas riche chez les Bosco et très vite Jean fit l’apprentissage du travail de la ferme et des champs. Vie familiale avec ses joies et ses souffrances… qui vont se mêler comme dans toutes les familles.

Il a deux ans quand meurt son père. Son frère aîné est dur et cruel… La vie est rude, mais une maman admirable est là : maman Marguerite, la femme forte au cœur d’or, profondément chrétienne, travailleuse, infatigable, qui toujours aidera son Jean.

Ce cadre de vie, il m’a semblé le revoir en voyant défiler les images du célèbre film « l’arbre au sabot » : même vie simple, pauvre, imprégnée de foi… dans cette belle campagne italienne… l’école très loin, où l’on va à pieds, les travaux au rythme des saisons, etc.

Le curé du pays a tôt fait de remarquer l’intelli­gence exceptionnelle de cet enfant, son désir de savoir, il a toujours un livre sous le nez lorsqu’il a fini son travail et ses jeux… à la grande colère de son frère aîné d’ailleurs !

Mais pas du tout genre « poule mouillée » il est l’entraîneur des garçons de la région, joueur, acrobate, boute en train ; la course, les jeux n’ont aucun secret pour lui, à tel point qu’il rivalise avec un saltimbanque le jour de la fête du village !

C’est un meneur, un entraîneur…

Très curieux cet enfant… On dirait qu’en lui naît quelque chose de grand…

Maman Marguerite est mise au courant… Faire des études ! Quel problème, à l’époque, que de sacrifices en perspective : il faut de l’argent, il faut quitter le village…

Mais qu’à cela ne tienne… si Dieu le veut ainsi.

Et il part le baluchon sur le dos, le cœur bien gros.

Pour lui une grande aventure commence, une très grande aventure : en effet son idéal se précise : il va étudier pour être prêtre…

Au village voisin d’abord, puis ensuite dans la grande ville de Turin, il va étudier mais il va travailler aussi pour payer ses logeurs et ses livres : notre adolescent devient tailleur, cordonnier, garçon de café, que sais-je encore ?

Il reste toujours cependant le chef de bande, l’entraîneur du groupe de « copains ».

Intelligence exceptionnelle, il brûle les étapes. En 1841 c’est l’ordination sacerdotale à Turin…

Des postes brillants lui sont proposés. Mais depuis longtemps il a au fond du cœur un grand amour : les jeunes.

Quels jeunes ? Pas n’importe lesquels : ceux qu’il a côtoyés en travaillant… Ces jeunes venus des campagnes environnantes pour chercher du travail à la grande ville. Il les a vus dans les rues de Turin, il les a vus traîner les rues, mendier, servir de manœuvres sur les chantiers ou, désœuvrés, se pervertir dans les tripots de l’époque…

Pas de flippers encore mais déjà des jeux à sous, des chapardages, de la violence. Ils rodent dans les terrains vagues, on les refoule. Ce sont les marginaux du moment, les blousons noirs, les loubards de banlieue. Don-Bosco les a vus vivre, les a compris et il les a aimés.

Que faire pour eux ? Prêtre, il va se consacrer à eux totalement, il va vers eux, leur parle, les attire, les entraîne, les regroupe… Eux, les laissés pour compte de la société, voilà qu’ils ont trouvé un AMI… Lui, il veut être leur ami. Il organise, réunions, clubs, loisirs, sorties, colonies de vacances (il conduit même des prisonniers en promenade ! Aucune évasion), grand air, chansons, musique, jeux, tout cela est pour lui instrument éducatif pour sortir ces jeunes de leur ornière, de leur oisiveté ; plus tard on baptisera cela d’un grand mot « le système préventif ». Lui il appelle cela : Aimer.

Comme c’est facile à raconter maintenant !

Vous devinez que cela ne va pas sans de terribles difficultés… « Il est fou », ce Don-Bosco… « Ces garnements sont bruyants, voleurs, querelleurs… Qu’ils aillent au diable… Ils abiment tout, ils gênent ! Ce sont des voyous ! »

On le rejette lui et sa troupe, c’est le « patronage ambulant » cherchant toujours autour de Turin un autre lieu pour se regrouper…

Tout se ligue contre lui : les autorités ecclésias­tiques, la police… les truands auxquels il enlève les adeptes, rien ne manque : il essuie même de coups de feu…

Aux prix de mille difficultés, peu à peu la horde se stabilise… Un hangar, une bande de terrain autour… Formidable aubaine…

On s’organise, on construit, on agrandit… Méthodes actives et participation… Voilà que ces paresseux, ces bons à rien mettent la main à la pâte…

Rien n’arrête Don Bosco. Sa foi et son amour sont inaltérables… La maladie le freine parfois… Il reprend ensuite… Il baptise son œuvre « l’Oratoire ». A ces garçons il apprend les métiers qu’il a appris étant jeune, à ceux qui n’ont pas de toit il offre un abri… Ce sont les premiers patronages, les premières écoles professionnelles, les premiers internats.

Des bénévoles généreux se joignent à lui, des amis l’aident enfin ; il a bientôt ses entrées partout, même chez les grands. On comprend la magnifique tâche qu’il a entreprise. Sa renommée s’étend. Les réalisations se multiplient.

Mais il s’use ! A cette vie entièrement donnée aux autres, beaucoup seraient déjà exténués depuis longtemps. Sa Foi et sa solide constitution physique le soutiennent.

Cependant il pense à l’avenir. Lui, disparu, rien ne doit s’écrouler, tout doit continuer. Il faut des structures solides, il faut que soit maintenu l’esprit qu’il a voulu donner â son action : amours des jeunes abandonnés, esprit de famille. Il fonde « les Salésiens ». Et il s’éteint le 31 janvier 1888.

Pourquoi ce nom « Salésiens » ? En l’honneur de St François de Sales, ce grand Saint et ce grand humaniste, cher au cœur des savoyards… – Encore un point de rapprochement avec notre région ! – Nous avons ajouté par la suite : « Salésiens .de Don-Bosco » car nous voulions que son nom figure sur notre étiquette !

Cent ans ! Voilà cent ans qu’ils essaient, tant bien que mal, les Salésiens, de continuer le travail de leur fondateur. Depuis il en est passé des jeunes dans leurs maisons, leurs écoles, leurs patros… Devenus adultes, beaucoup de ces gens-là se sont regroupés et ont fondé « l’Association des Anciens et Amis de Don Bosco » qui travaillent aussi avec les Salésiens un peu essoufflés comme tout centenaire ! Non seulement ils travaillent, ces anciens, mais ils innovent, ils innovent dans des secteurs non encore prospectés et qui sont bien dans leurs cordes : le tourisme social par exemple. Ils lancent des satellites sur orbite salésienne… tel Forgeassoud et Samoëns. Là ils essaient de garder et de propager l’esprit de Don Bosco : esprit de famille fait de simplicité et d’amour.

Je devine votre objection… Vous allez me dire « ils ont dévié, ils ne sont plus sur la bonne trajectoire ces anciens… Don Bosco s’est occupé de jeunes sans famille et vous, vous fondez des villages pour les familles. C’est contra­dictoire. On comprendrait mieux des actions pour l’enfance inadaptée… pour les marginaux. »

Eh bien non, ils n’ont pas dévié. Les salésiens eux-mêmes s’occupent déjà de ces secteurs (secteur de l’enfance inadaptée, secteur professionnel, écoles, etc.), alors, mieux valait innover et les A.D.B. ont innové de façon magistrale en s’occupant de la famille, de la famille en vacances… la famille entière : papa, maman, bébé, ados, même les grands parents, parfois (on l’a vu à Forgeassoud). Une rencontre complète ! Rendre cette famille heureuse, aider à son épanouissement ! la consolider ! lui enlever pendant un certain temps ses soucis quotidiens, son train de vie qui en ville l’étouffe et la disloque, lui donner la possibilité de se regrouper, de se reposer, de jouir ensemble de la nature, de la montagne dans une atmosphère de joie saine loin du béton… n’est-ce pas œuvre sociale, humaine ?

Rendre tous les membres de la famille heureuse d’être ensemble, heureux de se retrouver, n’est-ce pas renforcer, consolider, vivifier, cette cellule fondamentale de la société ? Et si tous les membres de la famille se découvrent heureux… Alors pourquoi y aurait-il fugueurs, des marginaux… Pourquoi se déchirerait-elle, cette famille, laissant des êtres malheureux, divisés, blessés, mal aimés.

Magnifique adaptation du « Système préventif » ! Mieux vaut s’occuper de l’édifice avant qu’il ne se désagrège !

Pas seulement « marchands de loisirs » non, Forgeassoud et Samoëns ont l’ambition d’être plus. Et c’est là la différence avec d’autres Etablissements semblables (supérieurs même sur le plan confort…). Nous sommes d’accord… Mais Forgeassoud et Samoëns resteront de Don Bosco tant qu’ils auront comme souci primordial pas seulement la simple rentabilité mais surtout l’esprit, le souci éducatif, la participation du vacancier, l’encadrement valable de toutes les catégories d’âge… Bref le souci de la famille tout entière, de son épanouissement ; souci éducatif pour les jeunes, surtout, et cela dans la joie et le respect de chacun.

Ouvert à toutes les familles, quelle qu’elles soient nos V.V.F. ne sont ni confessionnels ni pour telle ou telle classe sociale ; Fondés, organisés, dirigés par des pères et mères de famille, leur grand titre de noblesse est le mot « familial ».

Et pour bien faire la différence je vous donne un très mauvais conseil : si vous voulez savoir ce que nous ne voulons pas être, allez voir le film, insipide, bête et vulgaire, intitulé « les bronzés », caricature de certains clubs de vacances ! et vous comprendrez alors que Forgeassoud et Samoëns ne sont pas des camelots des loisirs quelconques… et ne sont pas inutiles à l’heure actuelle !

Un bon conseil tout de même pour terminer : pour en savoir plus… Lisez ce passionnant roman d’aventure (avec poursuite, bagarre, suspens, etc.), ce passionnant roman policier (avec perquisition, agression, arrestation, coups de feu, etc.), ce passionnant roman d’amour (l’amour des jeunes) qu’est la vie de Don Bosco !

 

Maurice Lager.

 

Causerie faite par Maurice Lager (coadjuteur S.D.B.) aux membres du Conseil d’Administration, aux directeurs et à tous les membres du personnel (services généraux, cuisine et restauration, administration, entretien, etc.) du nouveau village familial vacances de SAMOENS. (31 mars 1979).